Suite du sujet "Cataclop, catastrophe, ayez la trouille, v'l

Invité à renter dans le corps de garde, Longuevue suivit le père abbé à l'intérieur :

"Vous nous excuserez du dérangement, mais il s'est mit à pleuvoir et comme la montagne était trop loin, tandis que votre abbaye était juste à deux pas, nous sommes venus nous mettre à l'abri.
Le seul problème, c'est que mes gars (même si il ne s'agit pour eux que d'un exercice facile) sont épuisés, et on voudrait savoir, par hasard, si vous n'auriez pas deux ou trois tonnes de mets à nous mettre sous la dent ?"

Anselme sourit en entendant les paroles du lièvre :

"L'abbaye de Rougemuraille est ouverte à quiquonque s'y présente en ami... Dites à votre équipe de se rendre à l'office, on leur servira des tourtes toutes chaudes, des restes de charlotte et de flan. Nous venons de manger. Quant à vous, je vous propose de manger avec moi !"

Et le blaireau sortit d'un placard du corps de garde un kouglof, une cruche de vin de prune, et un pain d'épices.

"Je garde ces provisions pour les jours où je mange dans le corps de garde. En effet, je suis archiviste de l'abbaye."

Anselme invita le Général à s'attabler, et fit de même. Il découpa le kouglof, leur servit à chacun une large part. Il déboucha la cruche, et versa le vin de mûre dans leurs verres.
Quant au pain d'épices, il le découpa en tranches minces et le déposa sur la table. C'est alors que Jeannot Longuepatte, qui s'était fait piquer son chausson aux pommes, ouvrit la fenêtre du corps de garde :

"Ah, les goinfres ! Attendez-moi !"

Mais l'abbé ferma précipitement la fenêtre et la porte. Les deux amis commençèrent alors à manger, enentendant les jérémiades du lièvre déçu :

"Oh, je meurs ! Père Abbé, vous n'allez pas faire crever un pauvre maître de musique comme moi ! Ah, je vais mourir d'ini... euh... d'inatinition ! C'est dûr à dire, ça, inanition !"

Enfin, le lièvre s'en alla, espérant trouver des victuailles à la cuisine.

"Mes gars vous remercient, père abbé, c'est fou ce que ça creuse un voyage depuis Salamandastron !!! Ils sauront vous aider si vous en avez besoin. Le seul problème, c'est qu'ils mangent énormément... Les restes de votre repas ne devraient pas leur suffir, et alors je suis sûr que vos cuisiniers vous maudiront pendant une saison entière..."

En bon lièvre, Longuevue engloutit sa part de kouglof en un instant, puis il trinqua avec le père abbé et goûta le vin de mûre.

"Pas mal... On fait mieux à Salamandastron, le murier étant une des rares plantes qui se maintiennent en vie sur les façades de la montagne, mais c'est vraiment pas mal !!!"

Anselme répondit :

"Nos cuisiniers sauront s'occuper d'eux. Gustave est bien grassouillet et pas très alerte. Mais Marianne la loutre est très vigilante aux fournaux, et à mon avis ils reviendront avec des coups de poêle sur le dos !"

Habitué à la gourmandise de Jeannot, Anselme ne fut pas étonné outre mesure de l'appétit du Général. Il mangea rapidement son kouglof, mais savoura les vins de prune et de mûre. Ensuite, il prit vite quelques morceaux de pain d'épices, avant que Longuevue ne les engloutisse tous.

"Dites moi, Général. Voulez-vous passer la nuit à l'abbaye ?"

"Nous ne voudrions pas abuser dit-il ironiquement, mais c'est si gentillement demandé..."

Il sourit.

"C'est vrai qu'avec ces grandes gaillardes de loutres qui habitent Mousseray, mes jeunots n'auront qu'à bien se tenir !!!"

Longuevue tenta vainement de dérober un morceau de pain d'épices à Anselme, mais celui-ci l'en empêcha.

Anselme tapota la patte de Longuevue afin de défendre son pain d'épices. Puis il demanda :

"Dites-moi, comment se porte le Seigneur Richard Cartefer ? Vous n'avez pas aperçu de vermines à Salamandastron ?"

Longuevue se fit plus sérieux.

"Trop de vermines, et pas assez. Not' Seigneur Cartefer se porte bien, mais il est inquiet. Personne ne s'approche de Salamandastron hormis nous autres lièvres, mais en dehors de l'ombre de la montagne, c'est l'anarchie. Les lièvres qui sortent pour effectuer des patrouilles on presque peur de s'éloigner, et tous ceux qui s'éloignent trop sont attaqués. Même si il ne s'agit que de petites attaques sans danger pour nous, elles risquent d'empirer... Ma patrouille elle-même a été attaquée par des pirates. Nous n'avons même pas eu une égratinure et trois des leurs reposent dans les dunes, mais cela reste un danger. Apparemment, aucune vermine ne s'est aventurée dans la forêt, mais prévenez tout de même tout les habitants du risque qui plane au-dessus de leurs têtes... Même l'abbaye a du souci à se faire si les vermines attaquent en force. En tant qu'archiviste et père abbé, vous le savez..."

Anselme écouta attentivement tout ce que Longuevue avait à dire :

"En cas d'attaque massive sur Mousseray, les habitants des bois savent qu'ils peuvent trouver une aide et une protection à Rougemuraille. De plus, je n'ai pas trop de souci à me faire. Nous sommes deux blaireaux à l'abbaye, si vieux soyons-nous. Et puis, Rougemuraille a beaucoup de guerriers, ces temps-ci. Il y a aussi L'Alliance, la forteresse des hermines pacifiques de Mousseray. Son chef Lycos pourra nous aider. Quant à vous, je suis disposé à vous envoyer des guerriers si vous en avez besoin."

Longuevue agita ses oreilles en entendant la dernière phrase d'Anselme :

"Sauf vot' respect père abbé, vous compter ENVOYER DES GUERRIERS A SALAMANDASTRON ??? Pour nous AIDER ???
Vous allez presque jusqu'au blasphème !!! Si vous osiez faire ça, not' vieux Cartefer serait pris d'une de ses envies rouges et vous transformerais en crèpe tout vos guerriers ! Vous allez presque jusqu'à l'insulter en pensant que Salamandastron a besoin d'aide."

Le lièvre éclata d'un rire monumental en voyant la tête toute confuse du père abbé de Rougemuraille.

"Vous billez pas com' ça, père abbé, mais vôtre idée est assez saugrenue... Même si la Patrouille n'est plus à son âge d'or ou elle pouvait aligner plus d'un millier de combattants, elle reste capable de faire la loi sur les terres de son blaireau souverain !!! Mais Cartefer ne veut pas encore engager la Patrouille dans son entier. Il a ses raisons, c'est un grand blaireau, il n'est pas encore sénile et même alors, il resterait capable à lui tout seul de débarasser toute la contrée des vermines qui l'infeste. C'est un bien grand malheur que les blaireaux soit si solitaires, car sinon une bande de 10 d'entre eux pourrait facilmement venir à bout de toutes les vermines du monde..."

"Quant à moi, je suis bien sûr trop vieux pour les combats... J'ai tué mon comptant de vermine il y a bien longtemps..."

"Oh, on ne dirait pas, mais l'orage s'annonce..."

Le lièvre leva les yeux.

"Et il fait pas bon d'être loin de ses amis lorsqu'il pleut autant... Si nous rejoignons l'abbaye dont vous êtes le père abbé au lieu de rester en bordure, même dans la salle des archives et le corps de garde... Je suis curieux de voir la tapisserie de Martin le Guerrier..."

Suite dans le grand hall