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Après avoir traversé les pelouses de l'abbaye en courant, Anselme et Longuevue se réchauffèrent à la grosse cheminée du hall.

"Voilà ! La tapisserie est là-bas !" murmura l'abbé en désignant la porte donnant sur l'ancien réfectoire.

Heureux de se retrouver au chaud dans l'abbaye, Longuevue était très occupé à décongeler ses grandes pattes, et il n'entendit pas bien ce que lui dit l'abbé. Il se retourna et d'exclama :

"Hein, que dites-vous ? Je ne vous ai pas entendu."

L'abbé lui répéta patiemment sa phrase et lui montra de nouveau la porte de l'ancien réfectoire. Le lièvre se dirigea vers elle et l'ouvrit. Il resta pétrifié devant la tapisserie et le guerrier qui y était tissé, et qui semblait le regarder....

Anselme remarqua l'expression figée du lièvre, et murmura dans son dos :

"Martin est toujours présent dans notre abbaye. Son esprit nous conseille dans les temps durs. Cet ouvrage a été fait par des guerriers intrépides, eux aussi."

"Fichtre ! Toutes les pierres de Salamandastron ne valent pas cela !"

Loguevue se retourna vers le père abbé, détachant à grand peine ses yeux de l'œuvre d'art grandiose accrochée au mur.

"A voir la taille de ce joli morceau de tissu, vous avez eu dans cette abbaye un bon nombre de guerriers intrépides !!!"

"Mais Rougemuraille est surtout connue pour ses habitants pacifiques et charitables" rajouta l'abbé.

"Pacifiques et Charitables ? Assurément, si vous étiez venus frapper comme nous l'avons fait à la porte de Salamandastron, je serait surement en train de creuser une fosse commune..."

"Eh bien, je suppose que vous êtes éreinté. Voulez-vous dormir ?"

"Volontiers, je suis encore jeune, mais je me demande si je n'ai tout de même pas passé l'âge de courir dans tout les sens, je ne suis plus un galopeur, et depuis longtemps..."

"Eh bien dans ce cas, je vous propose de dormir dans... une des chambres vides du 1er étage. Hippocrate, pourrais-tu conduire notre ami dans la vieille chambre d'Alambic. Moi, je vais dormir devant ce vieux Martin. Radmaré, tu seras gentil de me descendre la couverture sur le fauteuil du grenier !"

Une fois que la vieille souris médecin eut conduit Longuevue dans la chambre du feu loir caviste, et que Radmaré eut ramené la lourde couverture de blaireau, Anselme se coucha à même le sol et s'enveloppa dans le large et épais tissu. Il pouvait dormir maintenant, avec le regard bienveillant du Guerrier posé sur lui. Le vieil abbé de Rougemuraille ne savait pas que, bien loin de l'abbaye, les vermines affluaient...